La loi du docteur John Little. Pourquoi c’est important pour une stratégie Kanban?

Cette idée d’article en Français m’est venu car trop de ressources dans la langue de Molière ne donnent pas sur cette loi de John Little forcément les bons éléments (ou en oublient) et ne décrivent pas (à mon sens correctement) son utilité dans une stratégie Kanban. Il y a même des ressources qui tendent à ancrer des mythes dans la tête des gens. Cela me donne du fil à retordre pour les supprimer des esprits et donc du travail supplémentaire, alors que je pourrai passer ce temps là plus utilement.

Donc allez c’est parti, remettons tout cela au clair et cassons ces mythes…

1) C’est quoi la loi du docteur Little?

La première forme de la loi

La loi du docteur Little a été premièrement formulée ainsi en 1954 (puis démontré en 1961) :

L = λ * W

Où :

L = Nombre moyen d’éléments dans une file d’attente

λ = Nombre moyen d’éléments arrivant dans la file d’attente

W = Le temps d’attente moyen dans la file d’attente

Cette équation (Eq.1) mets la perspective sur l’arrivée d’éléments dans un flux, dans un système.

Cette équation provient de la théorie des files d’attente, un domaine de recherche exploré depuis le début des années 1900. Si je cite Wikipédia “c’est une théorie mathématique relevant du domaine des probabilités, qui étudie les solutions optimales de gestion des files d’attente, ou queues.”

La deuxième forme de la loi

Cette loi a été transformée ensuite pour la mettre dans la perspective sur la sortie d’éléments dans un système. C’est cette forme sous cette perspective que nous utilisons plus couramment aujourd’hui et notamment en stratégie Kanban :

WIP = TH * CT

Où :

WIP = Nombre moyen d’éléments en cours dans le système

TH = Débit moyen de sortie d’éléments du système

CT = Temps de cycle moyen des éléments ayant sortis du système

Pour faire cette bascule de perspective et afin que l’équation (Eq.2) soit valable, il y a 5 hypothèses à respecter. Pour un système observé pendant une durée arbitrairement longue :

  1. Le taux d’arrivée moyen est égal au taux de sortie moyen
  2. Tous les éléments qui entrent dans un flux de travail doivent en sortir
  3. L’encours ne doit ni augmenter ni diminue
  4. L’âge moyen de l’encours n’est ni croissant ni décroissant
  5. Des unités cohérentes doivent être utilisées pour toutes les mesures

Si une de ces hypothèses n’est pas respectée l’équation ne sera pas vérifiée. Ce sont ces hypothèses qui fondent la loi de Little dans sa deuxième version. Oublier ces hypothèses et ne retenir que l’équation c’est réfuter la découverte scientifique.

Faites le test avec votre système (si vous avez les données réelles des 3 paramètres), vous verrez qu’e vous ne tomberez qu’en injectant 2 des paramètres vous ne tomberez jamais juste sur le 3ème connu et bien réel.

2) Mais à quoi ça peut bien me servir dans une stratégie Kanban?

Dans une stratégie Kanban, ce n’est pas l’équation qui est importante, mais bien ces 5 hypothèses, enfin surtout les 4 premières, la dernière étant logiquement triviale.

Prenons quelques exemples :

  • Votre processus prévoit la possibilité que des urgences vous autorisent à dépasser les limites de WIP et mettent en standby des travaux en cours ? Si c’est le cas, pour chaque élément pris en urgence que vous avez eu pendant la durée observée, vous avez violé au moins les hypothèses n° 3 et n° 4.
  • Ignorez-vous des éléments bloquants, en les laissant vieillir dans votre système en attendant la résolution de la dépendance, du blocage ? Si c’est le cas, vous avez au moins violé l’hypothèse n° 4.
  • Avez-vous annulé un élément et l’avez-vous simplement supprimé du workflow ? Si c’est le cas, vous avez violé l’hypothèse n° 2.

S’intéresser à ces hypothèses, c’est s’intéresser à l’optimisation de son processus et notamment à l’amélioration de sa prédictibilité.

Pourquoi cela est important?

Tout simplement parce qu’un système prédictible est un système qui répond comme on attend qu’il réponde. C’est donc un système que l’on maitrise.

Si vous suivez les hypothèses de la loi de Little (Eq. 2) il est fort probable que vous réussissiez, après un chemin plus ou moins long d’amélioration, à avoir un système qui réponde comme vous le souhaitez et donc que vous maitrisez.

Servez-vous de cette loi comme un levier pour détecter des problèmes dans votre système et réalisez des actions d’amélioration en continue. Ainsi vous vous rapprocherez au fur et à mesure d’un système stable. Attention, stable ne veut pas dire qu’il n’y aura aucune variabilité. Stable veut dire que vous aurez maitrisée cette variabilité et que votre système répondra, sauf cas exceptionnel, comme vous vous y attendez.

C’est en ça que la loi de Little est extrêmement puissante.

Place maintenant à certains mythes autour de cette loi.

3) Quelques mythes et fausses idées

  1. Je peux avec 2 informations et l’équation espérer obtenir la 3ème information manquante. Sachant que l’équation est fausse dès lors qu’une hypothèse n’est pas respectée et il est extrêmement peu probable que vous les ayez toujours respectée, je vous laisse deviner ce que vous obtiendrez…Un résultat faux.
  2. Les hypothèses sont les éléments les plus importants de la loi de Little (dans sa 2ème forme), aucunement l’équation.
  3. L’équation ne peut pas être utilisée pour faire des projections dans le futur. La loi permet de regarder dans le passé et uniquement dans le passé.
  4. Tout ce qu’il y a dans le système n’a pas besoin d’être de la même “taille”…. De la bonne taille oui, mais pas de la même taille.
  5. Trouver une preuve de la loi de Little dans un CFD (Diagramme de flux cumulatif). Ça ne fonctionnera pas : Car le WIP que l’on trouve dans un CFD est un WIP exacte et non une moyenne. Par ailleurs le temps de cycle vu dans un CFD est une approximation de la moyenne.
  6. Les “classes de service”, qui sont une différenciation des éléments d’un flux par un niveau de priorité distinct est utile dans un système Kanban et permettra d’optimiser le flux. Faux et archi faux. En 1953 Alan Cobham nous le disait déjà, dans son article intitulé “Priority Assignment in Waiting Line Problems” applique (Eq. 1) pour prouver les dangers des schémas de priorisation pour la prévisibilité globale des systèmes de files d’attente. Une citation de cet article est la suivante : “toute augmentation de la fréquence relative des unités de priorité 1 augmente non seulement le délai prévu pour les unités de ce niveau de priorité, mais aussi pour les unités de tous les autres niveaux”.Cette citation démontre la connaissance des dangers de ce qui est appelé aujourd’hui “classes de service” pour manager un système.

J’espère que cet article vous aura plu et qu’il permettra au public francophone d’y voir plus clair, d’avoir le bon regard sur cette loi de Little et son importance pour une Stratégie Kanban.

N’hésitez pas à commenter, à critiquer, je ne présume pas qu’il fasse le tour de tout le sujet et qu’il casse tous les mythes existants.

Si vous voulez d’autres articles de ma part en français, donnez moi des idées en commentaire 🙂

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